Le Général se souvenait des mauvais tours faits à la France par Roosevelt. Alors que la France libre pouvait compter sur l’appui des Britanniques (surtout Churchill), les États-Unis furent un ennemi implacable. À de Gaulle, ils préfèrent le collaborateur François Darlan (exécuté le 24 décembre par un résistant royaliste, Bonnier de la Chapelle), puis le terne général Giraud. Ce que ne supportent pas Roosevelt et les États-Unis, c’est la volonté d’indépendance du général de Gaulle qui est écarté de Yalta et du débarquement en Normandie. Il est vrai que le président américain a prévu de faire passer la France au dollar  et de l’occuper militairement pour en faire un protectorat américain.

Il faudra l’accueil triomphal de Charles de Gaulle à Bayeux, le 14 juin 1944 et l’installation d’institutions françaises à Paris pour faire comprendre aux États-Unis qu’il est temps de reconnaitre l’état légitime du GPRF. C’est grâce à la ténacité du Général que la France sera à la table des vainqueurs le 8 mai 1945, qu’elle obtiendra un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et une zone d’occupation en Allemagne. À la tête du GPRF jusqu’en janvier 1946, de Gaulle entend restaurer le rang de la France sur la scène internationale.

En 1958, Charles de Gaulle est élu président de la République. Le rôle de la France dans la guerre froide (commencée après la Deuxième Guerre mondiale) change alors sensiblement. Certes, durant la période des crises du début des années 1960 (Berlin, Cuba). La fermeté de la France contre le bloc communiste est indéniable. Mais, s’il soutient l’Ouest vis-à-vis du bloc soviétique, le général de Gaulle ne veut pas d’une hégémonie américaine et prend ses distances. Il pousse la France à se doter de l’arme nucléaire, ce qui est fait en 1966. La France quitte alors le commandement militaire intégré de l’alliance (rallié par Nicolas Sarkozy en avril 2009), tout en restant membre de l’OTAN. 

Tout cela déplait aux États-Unis et Éric Branca rappelle dans son livre L’Ami américain – Washington contre de Gaulle, 1940-1969 (Perrin, 2017) que le Département d’État et la CIA agiront contre de Gaulle, par exemple en armant le FLN algérien ou en encourageant mai 68 et l’ineffable Cohn-Bendit et ses comparses.

Aux yeux de ces gens, Charles de Gaulle a commis les pires péchés. En effet, il a  critiqué l’aventure américaine au Vietnam, noué des relations diplomatiques avec le bloc soviétique, reconnu la Chine rouge, contesté une  construction européenne inspirée par le super-atlantiste Jean Monnet qui rêvait des « États-Unis d’Europe », condamné Israël (allié inconditionnel des États-Unis) en 1967. Bref, il avait eu le culot de restaurer la dignité de la France. Vis-à-vis des États-Unis, le Général avait cette formule «  allié, oui ! Domestique, non ! » C’est à peu près le contraire de la politique de ceux qui ont  fait de la France le caniche des États-Unis et de l’Europe allemande (donc américaine)…

Zenia el Tibi

Docteur en droit, présidente-déléguée de l’OEG.

    

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