Jeudi le 24 février 2022, à la suite de la reconnaissance des Républiques de Donetsk et de Lougansk en tant qu’états souverains, Vladimir Poutine a annoncé le lancement d’une opération militaire spéciale visant à protéger les citoyens de ces républiques contre la menace croissante des forces armées ukrainiennes. En quelques jours, une opération militaire a été déployée sur le territoire ukrainien. Ainsi, la guerre dont la Russie avait essayé d’expliquer le danger à l’Occident et l’Ukraine pendant de nombreux mois, a tout de même éclaté du fait des provocations armées de l’Ukraine supportée par ses alliés.

Le début de 2022 a été marqué par une forte aggravation des relations de la Russie avec l’Ukraine, les États-Unis et l’OTAN en raison de la complication de la situation autour du Donbass et des préparatifs militaires de Kiev encouragés par Washington qui, soucieux de vende son gaz de schiste aux Européens, est hostile au projet de gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l’Allemagne.

Cette dégradation politique s’est développée depuis l’automne dernier, lorsque les médias américains ont commencé à commenter « une concentration sans précédent » des troupes russes à la frontière avec l’Ukraine. Presque immédiatement, l’activisme diplomatique de Washington et de plusieurs capitales européennes s’est intensifié.

Les dirigeants russes ont expliqué à plusieurs reprises leur position sur la question ukrainienne et le problème de la sécurité européenne qui y est directement lié. Ils n’ont également cessé de déplorer que l’Ukraine ne respecte pas les accords de Minsk (signés en 1991) concernant les minorités russophones. En fait, le principal sujet de préoccupation pour Moscou est l’expansion militaire de l’OTAN aux frontières russes. N’ayant pas de garanties de sécurité complètes depuis les années 1990, à l’exception des assurances verbales des dirigeants occidentaux, la Russie a toujours évalué négativement l’élargissement de l’Alliance. Le renforcement de la coopération militaire entre Kiev et l’Occident, les exercices militaires conjoints et les discussions sur les perspectives d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ont suscité une forte opposition diplomatique de la part de la Russie, qui qualifie la possible accession de Kiev à l’Alliance comme une « ligne rouge ». D’après Vladimir Poutine : « toute avancée de l’OTAN vers l’Est et le déploiement sur le territoire de l’Ukraine d’armes offensives, ainsi que d’autres États voisins, constitue une menace pour la Russie… L’Ukraine n’est pas  à des milliers de kilomètres de notre frontière nationale  mais à la porte de notre maison ».

Enfin, il ne faut pas oublier que les Russes reprochent aux États-Unis d’encadrer et d’armer des néo-nazis ukrainiens, par  exemple le bataillon Azov comme le révèle le quotidien italien Il Manifesto du 1er février 2022.

Afin de définir ses priorités et de pousser l’Occident à créer un véritable système de sécurité en Europe, la Russie a identifié, en décembre 2021, ses principales exigences relatives aux garanties de sécurité :

  1. Élaborer sur la base du principe de sécurité égale et indivisible, de sérieuses garanties juridiques à long terme qui aient exclu toute avancée future de l’OTAN vers l’est et le déploiement de systèmes d’armes menaçant la Russie ;
  2. Annuler les décisions du sommet de Bucarest de l’OTAN de 2008, selon lesquelles l’Ukraine et la Géorgie deviendraient membres de l’OTAN, comme  contraires à l’engagement pris par les dirigeants de tous les états membres de l’OSCE de « ne pas renforcer leur sécurité au détriment de la sécurité des autres » ;
  3. Consolider juridiquement l’accord sur le non-déploiement de systèmes d’armes de choc qui constituent une menace pour la Russie, par les États-Unis et les autres pays de l’OTAN sur le territoire des pays voisins.

Envoyés par la voie diplomatique au Département d’État des États-Unis et au siège de l’OTAN, ces demandes n’ont pas reçu de réponses claires.

Considérant l’OTAN comme un reliquat de la guerre froide, créé à l’origine pour dissuader Moscou et puis contrer le Pacte de Varsovie, mais maintenu après l’effondrement de l’URSS, la Russie a cherché des moyens de construire des relations égales et transparentes avec l’Alliance, en tenant compte de ses intérêts sur la base de la sécurité européenne. On se souvient de l’initiative de V. Poutine en 2000, lorsqu’au cours d’une réunion avec le président Bill Clinton, il a avancé l’idée de l’adhésion de la Russie à l’OTAN en tant que membre à part entière. Or personne en Occident n’a parlé à l’époque de la politique de « portes ouvertes » de la Russie. Aujourd’hui, même si l’on considère cette initiative comme une curiosité historique, le fait même d’une telle proposition de la part des Russes témoigne de leur intentions d’établir des relations civilisées sur un pied d’égalité avec l’Alliance. Cependant, l’OTAN, c’est-à-dire les États-Unis, a choisi une autre voie.

Depuis février 2022, des progrès ont néanmoins été accomplis vers le règlement de la crise, y compris avec l’aide d’intermédiaires étrangers. Kiev et Moscou, ont été visités par le président français, le chancelier allemand, les premiers ministres britanniques et hongrois, plusieurs ministres des affaires étrangères des puissances occidentales. Mais, quand bien même toute initiative de médiation pour la paix est la bienvenue, Moscou sait parfaitement que le sort des relations avec l’OTAN dépend des seuls États-Unis, tout comme la résolution du problème ukrainien semblait impossible sans la volonté politique de Washington.

Maintenant que l’opération armée, imposées aux dirigeants russes, est en cours, il sera bien difficile de revenir sur la voie des négociations et la construction de mesures de confiance entre Moscou et l’Occident. Il est clair, que ce ne sera possible qu’uniquement après la cessation du conflit militaire actuel en Ukraine. Et compte tenu de la poursuite des hostilités, en fait de la guerre que toutes les parties ont prétendu ne pas vouloir, cette crise ne sera pas facile à surmonter.

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Professeur associé du Département de politique mondiale. Faculté des relations internationales de l'Université d'État de Saint-Pétersbourg (Russie).