La situation en Irak ne cesse de se dégrader depuis le renversement de l’État nationaliste par l’invasion états-unienne de 2003 qui, de facto, a placé au pouvoir les groupes extrémistes et sectaires inféodés à l’Iran. Du coup l’Irak arabe a été colonisé par les miliciens perses et le régime mis en place n’est que l’expression de la domination de Téhéran dans les affaires irakiennes, avec pour corollaire la chasse aux sunnites et l’exode des chrétiens. À cela il faut ajouter que le pays est victime d’une extraordinaire corruption et de l’incapacité des dirigeants à remettre l’économie à flot.
Dans leur vie quotidienne les Irakiens sont les victimes de la mauvaise gestion du pays et d’une crise économique sans précédent. Le pays est riche en hydrocarbures représentant 70% du PIB et 99 % des exportations, mais cela ne profite qu’à moins de 1% de la population tandis que le chômage s’étend frappant surtout les jeunes. Désormais un Irakien sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, ce qui est le comble pour un pays potentiellement riche. À cela s’ajoute un boum démographique énorme, avec 60% de la population de moins de 25 ans. La croissance démographique qui s’était stabilisée sous le président Saddam Hussein du fait de la montée en puissance d’une classe moyenne aisée, a rebondi au fur et à mesure que la pauvreté et le fanatisme religieux (chiite) se sont répandus. La situation des femmes qui avait bien progressé sous l’ancien régime, ne cesse de se dégrader au point que 65% des Irakiennes sont au chômage.
Mais ce que supporte de moins en moins les Irakiens est la corruption qui ne cesse de croître du fait de la mauvaise gouvernance et de la cupidité d’une classe politique de profiteurs. Il est également notable que le régime exacerbe les divisions religieuses ou ethniques. Les places de fonctionnaires (62% de la population active) ne sont attribuées que selon des critères confessionnels et partisans, c’est à dire aux chiites pro-iraniens, sans tenir compte des compétences. L’Irak qui avait combattu sévèrement la corruption sous le président Saddam est aujourd’hui l’un des États les plus corrompus de la planète, se classant 168e sur 180 au niveau mondial. On estime à plus de 325 milliards de dollars les sommes englouties dans la corruption depuis la chute du Baas. Pour les Irakiens cette situation est un facteur de honte, surtout quand on la compare avec l’État de droit qui prévalait avant l’invasion états-unienne de 2003.
L’autre facteur de honte est dû au fait que le pays est livré aux bandes iraniennes. Le véritable maître était, jusqu’à sa mort à la suite d’un raid des États-Unis le 3 janvier 2020, le gauleiter iranien, Qassem Soleimani, l’un des hauts responsables des forces paramilitaires des Gardiens de la révolution (Pasdarans) considérés comme une organisation terroriste par de nombreux pays.
Ce Qassem Soleimani était le véritable patron des miliciens iraniens au Liban, en Syrie et en Irak où il contrôle de nombreuses milices. D’après l’agence Associated Press, au début des manifestations populaires contre le régime irakien (pantin de l’Iran) en octobre 2019, Soleimani a organisé une réunion des services de sécurité du régime pour affirmer que ses hommes devaient « contrôler » les manifestations. Des documents émanant de l’agence de renseignement iranienne, recueillis par le New York Times et le site The Intercept, confirment l’étendue de l’influence iranienne dans la classe politique irakienne. Selon le quotidien français La Croix du 18 novembre 2019, « The New York Times et le site d’information The Intercept ont eu accès à environ 700 pages de documents, des rapports et des messages rédigés, pour la plupart en 2014 et 2015, par des agents du ministère iranien des renseignements et de la sécurité nationale (VEVAK) stationnés en Irak. L’ensemble de ces documents a été transmis par un citoyen irakien pour que le monde sache ce que fait l’Iran dans mon pays, l’Irak ». C’est pourquoi, les manifestants irakiens ont pour première exigence le respect de la souveraineté de leur pays et leur mot d’ordre est « Iran dehors », avec la remise en cause du système communautaire et politique et de l’ingérence étrangère iranienne. L’un des points d’orgue de la révolte anti-perse a sans doute été l’incendie, fin novembre 2019, du consulat iranien à Nadjaf, suivant ceux de Karbala et de Bassora peu de temps auparavant. À Nadjaf comme à Oum Qasr, port occupé par les miliciens iraniens qui trafiquent à qui mieux mieux, à Bassora, à Diwaniya, à Nassiriya, à Bagdad ou à Bakouba, le mot d’ordre général est « l’Iran dehors ! » De fait, de plus en plus d’Irakiens – chiites, sunnites et chrétiens confondus – contestent le régime venus dans les fourgons de l’étranger (Iran et États-Unis) et l’occupation de fait de leur pays par l’Iran qui se sert de l’Irak pour contourner l’embargo occidental.
Malgré les attaques contre les États-Unis destinées à détourner l’attention et la violence de la répression conduite par les milices pro-iraniennes qui ont déjà tué plusieurs centaines de personnes (près de 500 !) et fait près de 20 000 blessés, il semble que le patriotisme du peuple irakien se réveille pour finir avec le régime de la trahison et de la collaboration avec l’Iran. N’oublions jamais que durant 35 ans, Bagdad fut, grâce au Baas, le centre du nationalisme arabe. Dieu fasse que le réveil irakien soit celui du nationalisme arabe !