Désignée comme « Dialogue de Manama », la conférence sur la sécurité qui s’est tenue les 5 et 6 décembre à Bahreïn, et suivie à distance par le Ministre israélien des affaires étrangères, a donné lieu à deux fortes déclarations.
Selon l’Associated Press, le Prince Turki el Fayçal qui fut ambassadeur de l’Arabie saoudite aux États-Unis et au Royaume Uni, a vivement critiqué Israël. Il a estimé que cet État est « une puissance occidentale colonisatrice qui incarcère les Palestiniens dans des camps de concentration sous couvert d’accusations de la plus grande légèreté, sans recours possible à la justice ». Selon le Prince, les Israéliens « démolissent leurs maisons comme ils veulent et assassinent qui ils veulent. Cette personnalité éminente qui a dirigé les services de renseignement saoudiens pendant plus de deux décennies, affirme que tout accord de normalisation suppose le soutien accordé aux Palestiniens pour obtenir leur propre État indépendant. Bien que le Prince n’occupe aucun poste officiel, son point de vue reflèterait celui du Roi Salman. Inversement, le Prince héritier Mohammed bin Salman se distingue par sa volonté de coopérer paisiblement avec Israël pour contrer la puissance rivale, l’Iran, et stimuler les investissements étrangers en Arabie.
Les propos du Prince Turki s’inscrivent dans le contexte de la normalisation esquissée par les Émirats arabes unis et Bahreïn avec Israël. Traditionnellement pour l’Arabie saoudite toute normalisation avec l’État hébreu implique une paix durable « à deux États » dans le cadre d’une solution juste et durable du conflit palestinien. En effet, le Royaume saoudien est constant dans le soutien déterminé à l’Initiative arabe de paix, formulée en 2002 et adoptée en 2007, qui propose à Israël l’établissement de relations pleines et entières en contrepartie de la reconnaissance de la pleine souveraineté de l’État palestinien sur les territoires conquis par Israël en 1967.
À l’admonestation du Prince Turki, le ministre israélien aurait répliqué en exprimant « ses regrets sur les commentaires du représentant saoudien. Je ne crois pas qu’ils reflètent l’esprit et les changements que l’on observe au Proche Orient ».
De son côté, M. Abdulatif el Zayani, ministre des affaires étrangères de Barheïn, a corrigé les déclarations intempestives de M. Zayed ben Rashid el Zayani, ministre de l’industrie, du commerce et du tourisme lors de sa visite en Israël quelques jours plus tôt. Ce dernier, sans entrer dans le détail avait laissé entendre que les produits venus des implantations israéliennes seraient traités comme des produits israéliens : « we will treat Israeli products as Israeli products. So we have no issue with labeling or origin« , avait-il dit à l’agence Reuters.
Le ministre des affaires étrangères a clarifié la position du Royaume sur les marchandises importées depuis les implantations israéliennes en Cisjordanie et sur le Golan. Puis, le ministère de l’industrie, du commerce et du tourisme a confirmé que les propos du ministre avaient été mal interprétés et que Bahreïn restait « attaché aux résolutions de l’ONU, de la Ligue arabe et de l’Organisation de la conférence islamique relatives aux colonies en Cisjordanie et sur le plateau du Golan ».
La résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée en 2016, réaffirme que la création par Israël de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé depuis 1967 n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit internationale et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États.
En conséquence, elle demande à tous les pays à « faire une distinction dans leurs échanges entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ». Le droit de l’Union européenne est aussi net. En matière commerciale, il vise à garantir le respect des positions et des engagements de l’Union, conformément au droit international, relatifs à la non-reconnaissance par l’Union, de la souveraineté d’Israël sur les territoires qu’il occupe depuis 1967. Puisque, selon le droit international, le plateau du Golan et la Cisjordanie ne font pas partie du territoire israélien, l’indication « produit en Israël » est considérée comme fausse et susceptible d’induire en erreur au sens des règlements européens. En ce qui concerne les produits issus de Palestine qui ne sont pas originaires de colonies de peuplement, la Commission a suggéré, dans une communication de 2015, une indication qui n’induit pas en erreur quant à l’origine, conforme aux usages internationaux et qui serait « produit originaire de Cisjordanie (produit palestinien) », « produit originaire de Gaza » ou « produit originaire de Palestine »1.
Dans ce contexte, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que le fait d’apposer, sur des denrées alimentaires, la mention selon laquelle l’État d’Israël est leur « pays d’origine », alors que ces denrées sont en réalité originaires de territoires occupés par Israël, serait de nature à induire les consommateurs en erreur. Par conséquent, selon la juge européen la mention du territoire d’origine des denrées alimentaires en cause est obligatoire, au sens du règlement n°1169/2011, afin d’éviter que les consommateurs ne puissent être induits en erreur quant au fait que « l’État d’Israël est présent dans les territoires concernés en tant que puissance occupante et non pas en tant qu’entité souveraine »2. La Cour a observé que l’information des consommateurs doit permettre à ces derniers de se décider en toute connaissance de cause et dans le respect non seulement de considérations sanitaires, économiques, écologiques ou sociales, mais également de considérations d’ordre éthique ou ayant trait au respect du droit international qui pouvaient, tout autant, influencer les décisions d’achat des consommateurs.
Bulletin OEG n°71 (Janvier-février 2021)
NOTES :
- Communication interprétative relative à l’indication d’origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis juin 1967, 205/C 375/05.
- Arrêt du 12 novembre 2019, Organisation juive européenne, Vignoble Psagot Ltd c. Ministère de l’économie et des finances, C-363/18, EU : C :2019 :954.